Étude 2 : que disent les femelles quand elles ont faim ?

Chez la mésange charbonnière c’est la femelle qui s’occupe seule de couver les œufs. Dans une première étude, j’ai montré que le mâle pouvait alors s’approcher du nid et discuter avec sa compagne. A la suite de cette conversation il pouvait éventuellement entrer dans le nid pour lui donner de la nourriture. J’ai montré que plus la femelle faisait de cris en réponse à son mâle, plus elle avait de chances d’être nourrie à la fin de leur discussion. J’ai donc fait l’hypothèse que la femelle pouvait ainsi communiquer ses besoins en nourriture à son partenaire. Alors comment le prouver ? Il faut expérimenter. Lorsqu’on étudie le comportement animal, expérimenter consiste généralement à créer une perturbation qui va modifier le comportement des animaux. Ici j’ai donc modifier l’état de satiété de plusieurs femelles en leur mettant de la nourriture à volonté (des vers de farine) dans le nid. J’ai ainsi enregistré chaque femelle avec ou sans nourriture et j’ai comparé ce qu’elles disaient dans les deux situations.

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Mangeoire et micro installés dans un nid de mésange charbonnière.

Si on s’intéresse aux discussions qui ont lieu avant que le mâle n’entre dans le nid pour nourrir sa compagne, on observe que la femelle fait moins de cris lorsqu’elle a des vers de farine à disposition. On pourrait aussi le dire de la façon suivante : plus la femelle à faim, plus elle crie ! On observe également que les cris utilisés sont légèrement différents lorsqu’elle a à manger. Donc la femelle indique bien au mâle si elle a faim ou non. Mais est-ce que le mâle s’adapte à cette information ? On pourrait s’attendre à ce que le mâle donne moins de nourriture à la femelle lorsqu’elle en a déjà dans le nid. Je n’ai malheureusement pas pu le vérifier car il a été impossible de quantifier la nourriture donnée par le mâle à l’extérieur du nid (il est en effet très difficile d’observer ce que les oiseaux font en dehors du nid car ils disparaissent très facilement dans les feuillages). Il faudrait donc une nouvelle étude pour répondre à cette question.

Si les femelles sont en partie nourries par leur mâle, elles sortent également régulièrement de leur nid et cherchent à manger par elles-mêmes. Lorsque je leur ai donné des vers de farine, elles ont passé moins de temps en dehors du nid. Ce résultat montre l’importance de l’état de satiété de la femelle sur la couvaison des œufs. En effet, lorsqu’ils sont laissés seuls, les œufs se refroidissent rapidement, mettant ainsi en péril la croissance et la survie des embryons. Une femelle qui sera obligée de consacrer beaucoup de temps à la recherche de nourriture en aura donc moins à passer dans le nid. En apportant de la nourriture à sa partenaire, le mâle joue un rôle important dans le bon déroulement de la couvaison. Il est donc nécessaire que la femelle communique efficacement sur ses besoins. Les couples qui communiquent mieux feraient-ils donc de meilleurs parents ? C’est ce que je tente actuellement de savoir en analysant les résultats d’une troisième étude sur cette espèce. La suite prochainement donc !

 

Référence : I.C.A Boucaud, M.L.N. Aguirre Smith, P.A. ValèreC. Vignal. Incubating females signal their needs during intra-pair vocal communication at the nest: a feeding experiment in great tits. Animal Behaviour. 122: 77-86.